Comment faire de la téléprospection quand on est une quiche utopiste?
Lecteur, je t'ai promis un petit billet sur mon expérience dans le monde de la téléprospection et le voici.
DAY ONE
Quand on est une grande gueule comme moi, on a tendance à croire qu'une conversation au téléphone n'a rien de bien au méchant. Au mieux, on se marre comme des canards, au pire on balance quelques postillons... Confiante comme une reine (et en période de chômage surtout) j'ai donc postulé pour faire de la téléprospéction au sein d'une banque (comme je ne suis pas une balance j'en taierai le nom) afin de convaincre les gens de souscrire à des crédits. Alors je t'arrête tout de suite: Oui c'est un boulot de rapaces et d'arnaqueurs, oui ça te fait culpabiliser mais j'y reviendrai. L'entretien se passe à merveille, et me voilà directement embarquée sur mon poste constitué d'une chaise, d'un ordinateur, d'un casque et de lingettes désinfectantes. Je passerai sur les détails techniques mais toujours est il qu'au moment d'appeller mon premier client, je me suis transformée en une espèce de masse gélatineuse tremblotante et aussi charismatique que la dernière cacahuète d'un bol de bar: J'étais térrifiée! Impossible d'articuler mes mots "bon-bon-bon-jour Madame"
-"C'est monsieur"
-"Par-pa-pa-pardon Madame"
Epic fail!
Je n'avais jamais réalisé à quel point il est dur d'appeller un illustre inconnu pour l'arnaquer en toute conscience. Quand je regardai autour de moi , tout le monde semblait parfaitement à l'aise dans ses baskets: Et vas y que je tortille le fil du combiné en même temps que je blablatte, que je bouche le micro du casque avec ma main pour sortir une vanne à mon voisin pendant que le client parle à l'autre bout du fil. Moi au milieu, j'étais comme une motte de beurre en plein soleil. Malgré la super fiche sur ton bureau qui te rappelle les phrases clés qui tu dois sortir (tu décelles l'ironie là non?) j'ai passé ma première journée à constater la liquéfaction grandissante de mes organes.
DAY TWO and rest of the week
Comme tu t'en doutes, j'ai vachement bien dormi la nuit de mon premier jour tellement j'avais assuré comme une bête. C'est le deuxième jour que j'ai enfin apprivoisé le téléphone et réellement commencé mon travail et c'est aussi à ce moment là que j'ai réalisé l'ampleur de la merde dans laquelle je m'étais fourrée: J'appellais de pauvres dames agées qui ne savaient plus comment se dépétrer de la situation et finissaient par accepter des rendez vous (imagine le vrai poncif de la gentille mami gateau: Voix tremblotante qui t'appelle mon petit! De quoi faire pleurer un caillou), j'engageai des surendettés à contracter un nouveu crédit...bref j'avais l'impression d'être belzebuth en talons. Et encore je ne parle que des affaires qui "marchaient" car j'ai passé les trois quart de temps restant à me faire copieusement insulter de "connasse", " vendue" et "arnaqueuse"...J'ai ainsi pu me remettre au goût du jour concernant les insultes et constater que oui "salope" c'est toujours très "in".
A chaque rendez vous pris, le responsable traçait un petit trait en face de notre nom sur un tableau que tout le monde regardait avec nervosité. Là bas tu te fais pas de potes, au mieux t'as des concurents. Le message est clair: t'as dix traits par jour, on vient te parler à la pause café, t'en as cinq tu dégages sous les huées.
Le seul "copain " que j'ai réussi à me faire était un mythomane qui me racontait que son petit ami venait de mourir et qui chantait la musique de disneyland sans interruption (it's a small small world lalalala). Il m'a apporté un poème qu'il avait soit disant écrit et qui était la réplique exacte d'un dialogue de "V pour Vendetta".J'ai ri. N'empêche que lui au moins, il avait dix traits par jours.
Après sept jours de bons et loyaux services et autant d'insomnies, je me suis donc rendue à l'évidence: Quand t'es une utopiste qui croit encore que les gens peuvent s'entraider les uns les autres, tu fais pas de la téléprospection. Et comme en plus je suis la plus courageuse des filles du monde entier, j'ai pondu un gros mensonge pour me barrer de là sans qu'on me pose de questions.